A partir de cinq ports différents, dans la soirée du 18 Août l'armada appareillera et mettra le cap vers Dieppe, avec en tête du convoi deux flottilles de Dragueurs de mines afin de sécuriser le passage en Manche.
Les LCI (transports de barges) mettent matériels et hommes à la mer. Chaque groupe de barges mettant le cap à 03h30 vers le site de débarquement qui lui est assigné, les Destroyers protégeant ces groupes sur les ailes .
Le groupe de 24 LCP du Commando N°3 devant "atterrir" à Berneval, pour la Plage Jaune I et à Belleville/mer, Plage Jaune II (à l'est de Dieppe) se heurte à un convoi allemand descendant de la Mer du Nord provoquant un combat de grande intensité et supprimant du même coup l'effet de surprise escompté et obligeant les LCP à s'éparpiller.
Sur les 24 barges affectées à ce secteur, seules 7 atteindront les falaises et avec un certain retard : à 04h50 pour la plage Jaune II et avec 20 Commandos au lieu de 120. Ce groupe commandé par le Major Peter YOUNG réussira à neutraliser la batterie "Goebbels" pendant deux heures au prix d'énormes efforts, cette batterie étant d'une grande menace pour la force navale alliée, puis à 05h40 pour la plage Jaune I commandé par le Lt.Colonel DURNFORD-SLATER et composé de 124 commandos dont des Rangers U.S et de Français Libres. Ce dernier groupe subira des pertes sévères ( 37 tués, 82 Prisonniers). A 06h20, l'ordre de repli est donné.
A l'Ouest de Dieppe, à POURVILLE Plage Verte, les barges portant 503 hommes du Queen's Own Cameron Highlanders commandés par le Lt Colonel GOSTLING et les 523 hommes du South Saskatchewan Regiment commandés par le Lt Colonel MERRIT "atterrissent" avec du retard et au mauvais endroit. Le groupe des "Cameron" a pour mission de rejoindre par le flan Est, le village de PETIT-APPEVILLE et faire la jonction avec les Chars débarqués à Dieppe.
Ce groupe atteindra le village, mais devra battre en retraite avec l'arrivée des renforts allemands.
Pour les hommes du Saskatchewan dont la mission est de neutraliser les défenses de la "Ferme des 4 vents" et d'investir la station radar
"Freya", il leur faudra franchir d'abord le pont enjambant la rivière "la Scie" en laissant de nombreux tués. Ils ne réussiront qu'à couper la ligne d'alimentation de la station
radar.
Sur les 1026 hommes débarqués, 160 seront tués et 256 faits prisonniés. 610 rentreront en Angleterre dont 269
blessés.
Les barges du Commando N°4 à l'approche de la côte se divise en deux groupes, l'un "atterrissant" à VASTERIVAL, plage Orange I commandé par le Major Derek MILLS Robert, l'autre groupe sur la plage de Sainte Marguerite, plage Orange II, commandé par Lord LOVAT.
Ces deux groupes ont pour missionde détruire la batterie lourde "HESS" composée de six canons de 155m/m et divers armements, défendus par plus de 150 allemands. Cette opération sera la seule réussite du Raid allié. A 07h05 les canons lourds seront sabotés, les commandos avec peu de pertes rembarqueront à 08h20 en mettant le cap vers Newhaven avec deux prisonniers et en ayant mis hors de combat près d'une centaine d'allemands.
La première vague du Royal Regiment Of Canada touche les galets de la plage avec du retard (combat naval précédent) . Il fait jour et l'effet de surprise ayant failli , cette vague sera très vite décimée par les tirs ennemis, clouant les hommes au pied du mur de 4 mètres de haut protégeant le front de mer.
A 05H55 six barges transportant une compagnie du Black Watch Highlander déversent la deuxième vague qui subira le même sort. Sur cette petite plage de 200 m de long, fortifiée, et enserrée par les falaises, se déroulera la pire tragédie de ce Raid. En quelques minutes plus de 200 tués, le plus lourd bilan en un seul combat d'un régiment canadien. Sur les 554 hommes débarqués, 65 seulement rentreront en Grande-Bretagne et 289 seront prisonniers.
Après l'attaque des défenses côtières par les appareils de la Royal Air Force, c'est l'assaut frontal sur l'ensemble de la plage de Dieppe.
Sur la partie Est dénommée Plage Rouge, débarqueront les hommes de l'Essex Scottish, pendant que ceux du Royal Hamilton débarqueront sur la partie Ouest, dénommée plage Blanche sous un déluge de balles et d'obus pour les deux régiments. Le Royal Hamilton a pour mission de s'emparer du Casino. Une sévère bataille se déroulera dans cet édifice et quelques éléments "légers" essaieront d'investir le centre ville mais seront contraints de battre en retraite. La majeure partie des soldats sera bloquée sur les galets.
La première vague du 14th Calgary Regiment équipé de Chars "Churchill" dont se sera le baptême du feu, débarquera avec 15 minutes de retard sous une grêle d'obus. Ils seront neutralisés par ces tirs mais également pour la majorité d'entre eux, par les galets et la destruction de leurs chenilles. Sur les 29 chars débarqués sur les plages Blanche et Rouge, 7 seulement réussiront à franchir le parapet du front de mer pour manoeuvrer ensuite sur l'esplanade, à partr de laquelle ils "arroseront" les défenses ennemies jusqu'à épuisement des munitions.
Compte tenu des pertes enregistrées, la deuxième vague de "Churchill" restera sur rade.
Furent également débarqués et sont restés sur place :
Pendant l'attaque aérienne allemande sur les navires de la force alliée, l'HMS"BERKELEY" recevra une bombe et commencera à couler. Par chance son "sister-chip" l'HMS"ALBRIGHTON" situé à proximité, récupèrera l'équipage, puis s'en étant écarté, il le torpillera afin que l'ennemi ne puisse le renflouer.
En 2001 l'équipe de plongeurs du G.R.I.E.M.E (découvreur Mr Tamarelle) remontera à la surface la cloche du "Berkeley". Nettoyée, elle sera exposée pendant plusieurs années dans le Hall de l'Hôtel de Ville, puis installée officiellement le 17 Novembre 2011, dans le Mémorial du 19 Août 1942, géré par l'Association "Jubilee".
La canonnière "Locust" fonce entre les jetées avec pour mission de s'emparer des péniches allemandes stationnées dans l'arrière-port. Il est prévu qu'à sa suite les Chasseurs de Sous-Marins Français Libres et les Commandos Marine lui porteront assistance pour ramener ces péniches, mais les tirs de la batterie "Bismark" furent si intenses que la "Locust " dut rebrousser chemin et abandonner sa mission.
A bord du "Calpe" l'un des 8 Destroyers "hébergeant" l'Etat-Major, les messages qui sont reçus se contredisent ou sont tronqués. Le Général Roberts commandant tout le dispositif, estimant que l'Essex Scotiish a pu franchir l'esplanade de la plage, décide d'envoyer sur la Plage Rouge les réserves constituées par les Fusiliers Mont Royal. Ces derniers embarqués dans 26 barges seront déposés trop à l'Ouest à 07h00 et seront à leur tour "cloués" sur les galets avec beaucoup de pertes.
Alors qu'aucune avancée n'a pu se réaliser, le Général Roberts informe le Quartier Général en Angleterre que le rembarquement devrait avoir lieu à 10h30 avec si possible une bonne couverture aérienne pour protéger la retraite. Mais la Royal Air Force ne pouvant être disponible sur le secteur, ce délai est repoussé à 11h00. Pour les soldats "piégés" sur les galets, l'attente sera très longue à supporter. Puis se sera la "pagaille" sous les bombardements allemands pour réinvestir les barges éparpillées sur toute la plage parmi les gerbes d'eau, les écrans de fumée et les tirs allemands.
Dans le ciel de Dieppe une nouvelle bataille va s'engager avec une présence allemande plus importante que lors des premières heures du Raid et avec une Flak plus intense. Dans
cette matinée du 19 Août, 106 appareils alliés seront abattus et de nombreux pilotes disparaitront en mer. Certains auront effectuer deux missions après avoir fait un nouveau
plein de carburant en Angleterre, et quelques uns, une troisième.
Les allemands perdront 48 appareils.
Les alliés auront effectué 2617 sorties.
Les colonnes de prisonniers venant de Pourville, du Golf, de Berneval, de Puys, du port et de la plage, convergeront, encadrés, vers les pelouses de l'hopital de la ville où le tri des blessés sera effectué.
Un grand nombre sera évacué, pour les cas les plus graves, sur l'Hôtel-Dieu de Rouen ( 60 Kms de Dieppe) où ils seront accueillis par des Soeurs de l'Ordre des Augustines dont l'une d'entre elles, Soeur Agnès Marie Valois aura une attitude exemplaire face aux médecins allemands. Suite à ce comportement, les Vétérans après la Libération, lui attribueront l'appellation" d'Ange Blanc" à chaque rendez-vous lors des commémorations.
Soeur Agnès a reçu les insignes d'Officier de la Légion d'Honneur, de Chevalier de l'Ordre National du Mérite et du Service Méritoire Canadien en 1998.
Dans les premiers jours suivant l'arrivée des blessés à Rouen, 35 ne survivront pas et seront inhumés au cimetière St. Sever situé sur la rive gauche de la ville.
Les autres prisonniers seront dirigés, à pieds, certains sans chaussures, jusqu'à la gare d'Envermeu, bourgade située à 13 kms de Dieppe. Ils seront embarqués dans des wagons de marchandises et
dirigés vers les camps de Silésie, province polonaise, réoccupée par l'Allemagne. Pendant ce trajet, quelques uns tenteront leur chance et réussiront leur évasion, tel Lucien
Dumais qui pourra rejoindre Marseille, puis Gibraltar, servira en Afrique du Nord et revenu en Angleterre en 1943, organisera un réseau d'évasion dont 307 aviateurs
alliés bénéficieront.
Quelques semaines après avoir été inhumés dans le cimetière municipal de Dieppe, les corps des soldats tués sur nos plages seront exhumés et rejoindront le cimetière allié des "Vertus" à la
sortie de la ville ( parcelle réservée en 1939 par la Grande-Bretagne).
Parmi un millier de tombes, reposent 707 canadiens.
Une très douloureuse et tragique page d'histoire de ce milieu de la Seconde Guerre Mondiale se terminait. Dieppe allait inhumer ses 48 morts et panser ses blessures.
Dans les jours qui suivront le Raid, les hautes autorités allemandes afin de "conforter" une infecte propagande laissant entendre que les Dieppois ont aidé les allemands à
repousser "l'envahisseur", offriront une indemnité de 10 millions, laquelle sera refusée par les élus de la ville.
Ces derniers en échange, proposeront aux allemands de renvoyer dans leurs foyers nos prisonniers dieppois et ceux des environs proches. Le 12 Septembre 1942, un
premier convoi de 984 prisonniers arrivera en gare de Dieppe, suivi d'un autre le 23 Octobre de 320.
De grandes leçons seront tirées de ce Raid "en force". Les divers rapports et compte-rendus provenant de nombreux intervenants de ce "coup de main", permettront
de corriger, dans la préparation du futur grand Débarquement, les nombreuses déficiences qui s'accumulèrent pendant cette tragique matinée.
Certes, le bilan a été très lourd pour les unités alliées, notamment les canadiennes, mais leur sacrifice n'aura pas été vain. De nombreuses années plus tard, il sera considéré que Dieppe fut la
première marche de la Libération de l'Europe.
La 2ème Division Canadienne qui avait tant souffert le 19 Août 1942 obtiendra le "feu vert" afin de libérer Dieppe et aura ainsi l'honneur d'entrer la première dans la ville, prenant enfin sa revanche.
Crédits Photos "Opération Jubilee"
ECPAD. IWM. Bundesarchiv.
Archives Nationales du Canada
Pascal Diologent, Bernard Dupuy
Aquarelle de Peter Endsleigh-Castle
Marcel Diologent.
Daniel Diologent